Un Arc, une vie...
Il y a bien longtemps dans la forêt d’Astrub, vivait dans une petite maison, un jeune couple de Crâs. C’étaient des beaux archers, leur habileté aux tirs à l’arc en tout genre était incomparable. Ils vouaient un culte à la déesse Crâ afin de garder pour l’éternité ses faveurs et cette dextérité qu’elle leur avait donnée. Ces deux Crâs passaient dans Astrub pour des gens généreux et bienveillants. Ils étaient respectés de tous et avaient une influence positive sur les habitants de la région. Ils avaient quitté Incarnam très tôt, pour connaître l’aventure mais surtout pour vivre leur amour en toute liberté, car leurs parents avaient refusé leur union.
Ils s’étaient donc échappés ensemble, par une belle nuit d’été. Après plusieurs jours de marche, ils étaient arrivés à Astrub. Ils se mirent à combattre les monstres en tout genre qui occupaient la ville, et de leurs combats victorieux ils recevaient des kamas. Ils prirent chacun un métier, et après de longs mois passés à la belle étoile, d’innombrables combats, et de durs labeurs, ils purent enfin s’acheter une maison. Ils s’étaient fait de nombreux amis à Astrub et leur postérité augmentait un peu plus chaque jour. Ils impressionnaient les autres habitants par leur force de travail et leur volonté de réussir. Quels étaient leurs buts ? Gagner assez d’argent afin de pouvoir vivre décemment, et surtout sacrer leur amour.
Après un an de travail sans relâche, ils atteignirent leurs buts. Ils vivaient à présent dans l’opulence et aidaient les plus pauvres. Tous leur en étaient reconnaissants et devenaient par la suite des amis fidèles sur qui on pouvait compter. Au printemps, tous ces amis furent convier à leur splendide mariage et la joie était telle que la fête dura jusqu’à l’aurore.
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Neuf mois plus tard, naquit de leur union une petite Crâ, prénommée Mousitfette. C’était un adorable bébé qui ne pleurait jamais. Elle faisait la joie de ses parents, petit soleil dans ce monde obscur. On lui fit présent de nombreux arcs en peluche mais surtout de beaucoup d’amour et la fillette grandit dans la profusion de tendresse et de bonheur.
Dés l’âge de trois ans, ils lui inculquèrent l’art du tir à l’arc. Avec de tels maîtres, elle su rapidement manier l’arc avec dextérité : elle s’exerça tout d’abord sur des épouvantails puis, un peu plus tard, ses parents installèrent des cibles mobiles dans leur immense jardin, qui se transformait alors en une immense salle d’entraînement. Lorsqu’elle atteignit l’âge de dix ans, ils capturèrent des Piou Piou ou des Petits Bouftous afin qu’elle puisse s’exercer sur des cibles vivantes. Elle acquérait de plus en plus d’expérience et ne manquait plus ses tirs. Son adresse et sa vivacité faisaient l’admiration de ses parents et de ses amis.
Occasionnellement, ses parents ramenaient à la maison des groupes de monstres un peu plus gros. Elle invitait alors tous ses amis et ils passaient toute la journée à combattre.
Si l’apprentissage de l’arc occupait une grande partie de son temps, la fillette passait aussi beaucoup de temps dans la bibliothèque de la maison, afin d’augmenter ses connaissances sur l’histoire des Crâs et de sa famille.
Ainsi partagée entre ses parents, son arc, ses amis, et ses lectures, l’enfance de la fillette s’écoula rapidement, dans un bonheur invraisemblable.
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Le jour de son quinzième anniversaire, on fit une grande fête. Tous les amis de la famille étaient là. Les adultes s’étaient réunis autour du buffet et discutaient. Les enfants quant à eux regardaient des spectacles ou combattaient des Piou Piou. Tout le monde s’amusait et les rires fusaient dans toute la maison. Tout le monde ? Non. Mousitfette, elle était assise sur une pierre dans le jardin et regardait les enfants qui passaient en courant devant elle. Depuis deux ans, ses relations avec ses parents s’étaient faites plus mitigées. En effet, estimant qu’elle avait mûri, la jeune fille leur avait demandé l’autorisation de sortir de leur jardin et de cette forêt d’Astrub afin d’explorer un peu le monde. Mais elle s’était heurtée au refus de ses parents. Pourquoi avaient-ils refusé ? Elle n’en savait rien. Elle avait tenté l’année précédente de fuir la maison pour quelques heures mais elle avait presque aussitôt été arrêtée par des Enutrofettes que ses parents avaient engagé pour la surveiller. Elle était surveillée jour et nuit et ne pouvait espérer pouvoir s’échapper. Depuis deux ans, elle broyait du noir. Elle voulait sortir, elle voulait explorer le monde et connaître d’autres personnes. Elle fixait d’un regard plein d’un mélange de haine et de mépris les murs et le portail en bois d’if qui la retenaient prisonnière. Elle sentit des larmes lui glisser sur les joues. Elle baissa la tête pour les cacher et pleura longuement. Elle s’était allongée dans l’herbe verte du jardin et s’était endormie. La matinée touchait à sa fin. Tout à coup elle entendit un sifflement. Perdue dans ses rêves, elle n’y prêta tout d’abord pas d’attention. Le sifflement se fit un peu plus insistant. Elle s’étira, releva son beau visage ravagé par les larmes et vit un jeune Sadida aux couleurs insolites qui essayait d’attirer son attention.
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Elle se leva, secoua ses vêtements couverts de feuilles et courut jusqu’au portail. Le jeune Sadida avait vraiment une allure extravagante, mais il avait de nombreux charmes, aussi excentriques qu’ils furent. Il était en effet recouvert d’une toison de poils extraordinairement épaisse mais elle mettait en valeur ses beaux yeux verts. De plus, il portait un casque étrange, semblable à un tronc d’arbre qui lui cachait en partie le visage. Mousitfette fut envahie d’un sentiment étrange qu’elle n’avait jamais ressenti auparavant : son cœur battait à tout rompre et elle sentait le sang qui lui remontait à la tête. Elle ne savait plus comment se tenir et mâchouillait nerveusement l’arc qui pendant au bout de sa chaînette.
« _Qui es-tu ? Que veux-tu ?
_ Mon nom est Bakuh-Danh. J’ai dix-sept ans.
_ Je ne te connais pas.
_ Mais moi je te connais. J’ai grandi dans la forêt de Abraknydes et même là-bas on entend parler de ta famille. Surtout de toi, de ta vivacité, de ta joie de vivre, de ton adresse pour tout ce qui touche aux arcs… On ne m’avait pas parler de ta beauté…
_ Euh… [Mousitfette s’empourpra à ces mots]
_ Quoiqu’il en soit, il y quelques mois j’ai décidé de partir à l’aventure pour découvrir le monde et comme je passais par Astrub j’ai voulu vérifier tout ce que l’on disait sur toi. Je devais passer rapidement dans ce village et continuer ma route par la suite… Mais cela va faire bientôt six mois que je t’observe… Tous les jours je prends le zaap et je me poste devant ta maison en espérant t’apercevoir… Je ne sais pas ce que me ramène tous les jours ici … Peut-être ton regard… Peut-être toute cette tristesse qui émane de toi… Ou peut-être tout simplement l’Amour ?
_ L’Amour ?
_ Oui, l’Amour… Allons nous promener dans les plaines rocheuses, je tenterai d’exprimer ce que je ressens pour toi…
_ Je… je n’ai pas le droit de sortir… Et des Enutrofettes me surveillent…
_ C’est juste pour quelques heures… Les Enutrofettes ne s’apercevront de rien, il y a trop de monde ici !
_ D’accord, je te suis ! »
***
Ils se promenèrent longuement au nord d’Astrub, à Tainéla, où les Chefs de Guerre Bouftous, les Bouftous et autres foisonnaient.
Moustifette fut fort impressionnée par la sombre forêt des Abraknydes, et subit sa première agression dans la forêt maléfique.
Elle découvrait avec un bonheur indicible les joies la liberté. Pour la première fois elle prit un zaap. Elle combattit avec Bakuh-Danh, qu’elle avait surnommé « Poilux », des groupes de monstres dont le niveau était dix fois supérieur au sien. Elle admirait la force de Poilux, surtout lorsqu’il agressait des anges… Il était plutôt loquace et fort drôle, elle s’amusait follement…
Poilux lui offrit une amulette Bouftou, un anneau Bouze Le Clerc et lui fit revêtir une belle cape, une coiffe et des bottes Bouftous, qui malgré leurs odeurs pestilentielles la tenaient bien au chaud. Enfin il lui fit don d’un beau marteau Bouftou, afin qu’elle puisse se protéger efficacement dans les combats.
Mais cette belle journée, comme toutes les « belles journées », se termina rapidement et
alors que le soleil éclairait de ses derniers rayons la petite ville, ils prirent le zaap de Tainela pour Astrub. Poilux raccompagna Mousitfette chez elle, où un étrange silence régnait. Ils ne s’en inquiétèrent pas, car de la musique se faisait entendre de la grande salle à manger. Ils ne savaient pas comment se quitter, mais le temps passait, le soleil était à présent complètement couché. Mousitfette invita Poilux à rentrer, se disant qu’on ne remarquerait certainement pas sa présence parmi tous les invités. Au pire, qu’elle trouverait bien une raison pour justifier sa présence. Il accepta et ils se dirigèrent vers la grande maison. De nouveau, ils furent surpris par l’étrange silence qui habitait la maison. Ils entrèrent d’un bon pas dans la salle à manger et une vison d’horreur s’offrit à leurs yeux…
***